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L’université en ligne

26 août 2012

Les cours en ligne se répandent de plus en plus.

Comme toute tendance, celle-ci n’est pas vraiment nouvelle. University of Phoenix a démarré un programme de cours en ligne dés 1989, et est depuis connue pour être l’université qui délivre des diplômes en ligne. Depuis 2006, Kahn Academy propose gratuitement des milliers de cours sous forme de vidéos sur de nombreux sujets.

Mais jusqu’alors les cours offerts en ligne n’avaient pas bonne réputation. Sur le marché du travail, un MBA obtenu en ligne n’a pas la même valeur qu’un MBA en provenance d’une école traditionnelle.

Or cette année, plusieurs universités prestigieuses commencent à offrir des cours en ligne gratuits. C’est ainsi que Coursera met en ligne gratuitement des vrais cours de plusieurs universités (16 pour l’instant), et pas des moindres : Caltech, Stanford, l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne, Berkeley, Princeton pour n’en nommer que quelques unes. A noter que Coursera ne se contente pas d’offrir de simples vidéos. Les cours démarrent à une date précise (les élèvent peuvent cependant les visionner quand ils veulent), et sont émaillés de quiz. Certains cours donnent même un certificat pour ceux qui réussissent l’examen final.

De leur côté, Harvard, le MIT et Berkeley ont commencé à publier des cours sur edX (Berkeley propose les mêmes cours sur Coursera)

Et ce sont loin d’être les seuls. Apple a lancé iTunes U (pour « iTunes University ») qui offre des vidéos (cours et conférences) en provenance de diverses universités, dont HEC Paris.

Quelle audience ?

Ce type d’initiative a le plus de chance de se développer lorsque les coûts de l’éducation sont prohibitifs. C’est le cas des pays du tiers monde bien sûr, mais également des Etats-Unis. Le coût des universités aux USA a en effet explosé au court des dernières décennies. Chaque année il augmente plus vite que l’inflation, si bien qu’à ce rythme, obtenir un diplôme d’une université américaine dans une dizaine d’années coûtera dans les $500,000. Quand on sait que de nombreux jeunes diplômés américains ne trouvent pas d’emploi à l’heure actuelle, la demande d’une alternative moins chère existe bel et bien aux Etats-Unis.

Quelles implications ?

Il existe certes des problèmes logistiques tels qu’éviter la triche – mais pas insurmontables. Par contre, tous les sujets ne pourront pas être abordés. Des études de médecine demandent de la pratique en hôpital. Des études de chimie demandent un laboratoire. Par contre, d’autres sujets tels que les mathématiques ou le droit sont transposable en ligne.

Que se passera-t-il si les cours en ligne explosent ? Avec cette méthode, les universités pourront « monter en charge », c’est-à-dire accepter autant d’étudiants qu’elles veulent. Lorsqu’un tel phénomène se produit pour une profession, on observe qu’une poignée de vendeurs s’accaparent la grosse majorité des parts de marché, ne laissant que les miettes au reste. C’est le cas des livres ou de la musique, où une poignée de stars se font des millions alors que la très grande majorité des auteurs/compositeurs arrivent tout juste à subsister. Par contre, le théâtre peut plus facilement nourrir son homme, car le plus célèbre des acteurs ne peut physiquement pas monopoliser toutes les salles de théâtre.

Si demain toutes les universités proposent leurs cours en ligne, tout le monde voudra suivre les cours des universités les plus cotées telles qu’Harvard, Yale ou Stanford. Ces dernières pourront avoir des millions d’étudiants de par le monde, ce qui leur permettra de gagner énormément d’argent tout en proposant des cours bon marché.

Cela ne veut pas dire que des universités physiques disparaitront, car les interactions entre étudiants sont parfois irremplaçables. L’un des grands avantages de Stanford est de mettre en contact les étudiants entre eux (c’est ainsi que les deux cofondateurs de Google se sont rencontrés) et de leur faire rencontrer des investisseurs potentiels. Les ivy leagues (les universités américaines les plus prestigieuses) sont avant tout des endroits où l’on se crée un carnet d’adresse. Ces universités mettent d’ailleurs plus l’accent sur la vie sociale entre étudiants que sur les cours mêmes. C’est pour cette raison qu’un MBA d’une université prestigieuse est bien plus côté qu’un MBA obtenu en ligne. Comme disait Coluche, il existe deux types d’avocats : celui qui connait la loi, et celui qui connait le juge.

Mais pour une majorité d’universités – celles qui n’ont pas le cachet pour attirer le public – le choc pourrait être rude.

Je serais curieux de savoir ce que donnera la perception des carrières universitaires si certains types de cours deviennent abordables et pas d’autre. Aux Etats-Unis, les élèves les plus doués ont tendance à aller en école de droit ou de médecine, car c’est là où se trouvent les métiers les plus lucratifs. Les cursus qui demandent toujours de s’endetter pendant des années vont-ils perdre de leur attrait face aux cursus peu onéreux, ou au contraire vont ils exacerber la demande du fait de leur exclusivité ?

Je ne suis par contre pas convaincu d’une future démocratisation de l’université parmi les classes modestes ou dans le tiers monde – du moins à grande échelle. Car l’éducation est avant tout une affaire de culture. Dans des pays comme la France où l’éducation est quasiment gratuite, les enfants d’ingénieurs ont toujours plus de chance de devenir ingénieurs que les enfants issus de classes modestes. Pas parce qu’ils ont plus intelligents, mais parce que la pression parentale (directe comme implicite) est plus importante. De la même manière, un enfant du tiers monde qui n’a pas reçu une éducation secondaire convenable pourra difficilement profiter de cours d’université de qualité. Cela peut par contre aider les enfants de familles qui attachent une importance aux études (comme en Inde) ou aider les jeunes prodiges de par le monde.